Notre analyse des propos de monsieur Narbonne

« C’est un projet qui remplace les mises en décharge. »

C’est faux. 100 000 tonnes de déchets d’activités économies ou de déchets issus de déchetterie continueront chaque année à être enfouies. L’incinération permettrait de réduire la mise en décharge mais absolument pas de la remplacer. Par ailleurs, on peut réduire la mise en décharge par un effort sur le tri et la prévention où nos marges sont considérables.

« On a fait des progrès énormes sur la cogénération et sur la valorisation thermique. »

C’est en partie vrai. Le technologie a permis d’améliorer cette cogénération et cette valorisation thermique. Mais les derniers progrès sont déjà anciens et les incinérateurs reposent aujourd’hui sur des procédés de 20 ans ou plus.

« Aujourd’hui, c’est considéré comme une énergie alternative. »

C’est vrai et faux. Tout dépend par ce qu’on entend par « énergie alternative ». Au sens littéral, c’est une autre énergie que le pétrole ou le nucléaire. Au sens où souvent on l’entend, cette énergie n’est ni verte, ni renouvelable. C’est ce qu’on appelle une énergie de récupération. Elle n’est ni verte, ni renouvelable car l’incinération de déchets repose sur la combustion de matières qui ne sont pas renouvelables et qui, surtout contribuent à accroître le CO2 dans l’atmosphère. Là dessus, les données de l’ADEME et de toutes les études scientifiques sont incontestables.

« Il ne s’agit pas d’élimination mais de valorisation des déchets. »

C’est faux. C’est d’ailleurs le syndicat d’élimination des déchets qui porte ce projet. Toutes les délibérations prises rappellent d’ailleurs que la raison d’être de cet incinérateur est d’éliminer les déchets. La valorisation énergétique n’est qu’un élément secondaire du projet. Par ailleurs, la valorisation des déchets à privilégier (selon les textes législatifs et réglementaires) est la valorisation matière (autrement dit le recyclage) et non l’incinération.
Pour être tout à fait exact, il convient de dire que cette unité est une unité d’élimination des déchets avec valorisation énergétique.

« Quelles retombées aura cet incinérateur sur l’environnement et la santé des riverains ?
Tout dépend du volume et du type de déchet. »

C’est vrai mais incomplet. Et c’est là l’une des données fondamentales qui permet sans le moindre doute d’affirmer que le risque existe (reste à définir son importance et à dire si on peut ou non l’éviter). En effet, on brûlera environ 160 tonnes d’ordures par jour à proximité de populations nombreuses et fragiles. Or, plus on brûle de déchets, plus on expose une population fragile, plus cette population est importante, plus le risque s’accroît.
Par ailleurs, nous ne connaissons pas les types de déchets qui seront brûlés demain (le SDEDA est incapable d’y répondre), encore moins dans 10 ou 20 ans. Les progrès de la chime, l’apparition de nouveaux matériaux, de nouvelles molécules conduisent à penser que nous brûlerons des déchets dont les éléments issus de la combustion sont aujourd’hui inconnu. Le risque pour la santé est donc bien là.

« est-ce que cette installation correspond à ce qu’on appelle le « best available technology » ou meilleure technique disponible ? Je ne suis consulté que sur ce choix-là pour informer la population. La réponse est oui. Ils veulent mettre en place deux techniques de dépollution. Je n’ai pas vu beaucoup d’installations qui l’ont. »

C’est vrai mais incomplet. Les BAT (best available technology » sur lesquelles s’appuie ce projet datent de près de 20 ans. Par ailleurs, elles sont aujourd’hui en cours de révision ce qui signifie que notre projet reposera, à peine sa construction terminée, sur des technologies dépassées.

« L’incinérateur n’est pas là pour 100 ans mais pour 20 ou 30 ans »

C’est faux. Véolia, par contrat, exploitera cet incinérateur pour 25 ans. Ce type d’installation est prévu pour 40 ans.

« L’installation tient compte des objectifs de réduction de 50 % des déchets ce qui est discutable car en ce moment tous les plastiques qu’on envoyait en Chine reviennent car elle n’en veut plus. »

C’est faux. L’objectif issu des lois est de réduire l’enfouissement de 50 %. Par contre, le projet actuel ne tient pas compte de certaines nouvelles réglementations comme la collecte des bio-déchets (35 % du poids des poubelles), comme l’objectif de recycler 100 % des plastiques d’ici 2025, comme l’objectif de recycler 65 % des déchets à l’horizon 2025 également.

Notons également que tous les plastiques ne reviennent pas. C’est là encore, très exagérée et même totalement faux. La France exportait jusqu’à présent 50 % des plastiques collectées. La Chine va restreindre ce flux mais pas le stopper. Par ailleurs, cette situation représente selon les industriels français du recyclage une opportunité pour relancer la filière et re-créer de l’emploi local, notamment dans la foulée de la feuille de route sur l’économie circulaire dévoilée par le gouvernement.

« J’aimerais qu’on me les dise les risques ! On a fait des études sur les dioxines qui sont des marqueurs intéressants pour l’ensemble des contaminants persistants. Quelqu’un qui habite à côté d’un incinérateur aux normes a exactement le même niveau en dioxine que le français moyen. »

C’est vrai mais incomplet. Les risques existent. L’exposition d’une population fragile à des polluants pendant 25 ou 40 ans constitue, d’un point de vue scientifique, un risque avéré. La position du professeur Narbonne est par ailleurs contestée par d’autres scientifiques qui ont réclamé l’interdiction de l’incinération.

« Les uns sont les opérateurs, ceux qui font fonctionner le système et les autres sont les propriétaires. Dans certains dossiers où je suis intervenu, ce n’était pas l’opérateur mais les élus qui ont refusé d’investir pour mettre aux normes ! »

C’est vrai et c’est justement là le problème. La confiance n’exclut pas le contrôle. Avec seulement 10 salariés, le SDEDA n’a absolument pas les moyens humains, financiers, ni les compétences techniques pour contrôler une entreprise comme Véolia et nous garantir que le site sera toujours aux normes.

« Durant la réunion publique fin mars, votre parole a été mise en doute. Certains membres du public vous suspectent de travailler pour Veolia. Quel est votre rôle ?
J’ai un rôle de consultant très marginal. J’interviens quand il y a une installation car je suis devenu un expert historique. Ces accusations me mettent en colère, car c’est moi qui ai lancé les études de l’institut de veille sanitaire et de l’ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Je les ai presque imposées ! Je n’ai pas de résidence secondaire ni de fortune cachée en Suisse ! »

C’est encore une vérité incomplète. Le Professeur Narbonne est actionnaire de la société « bio-tox » qui compte parmi ses clients Véolia. Par ailleurs, cette société a été plusieurs fois sollicitée par des collectivités locales pour défendre des projets d’incinérateurs. Le professeur Narbonne a donc, si ce n’est des intérêts, au moins une partialité sur ce sujet et des liens avérés avec ceux qui soutiennent le développement de l’incinération.

Il n’y a pas de solution unique. Ce qu’il y a de mieux aujourd’hui, c’est le tri. C’est déjà un truc énorme pour que toute la population s’y mette. C’est aux élus et aux citoyens de faire le choix du meilleur compromis entre plusieurs filières et d’avoir des installations ni sur-utilisées ni sous-utilisées. Le zéro déchet, ce n’est pas pour aujourd’hui !

C’est vrai. Et nous sommes en accord total. Or, dans ce projet, ni les élus, encore moins les citoyens n’ont été appelé en amont à faire le choix du meilleur compromis. Par ailleurs, les solutions de tri sont ici très loin d’être développées comme elles le devraient. Pire encore, le choix et le dimensionnement de l’incinérateur s’est fait avant toute réflexion sur la réduction des déchets.
Si le « zéro déchet » n’est pas pour aujourd’hui, il nous paraît en tout cas certain que l’incinérateur nous en éloigne.