Notre analyse

Qualifié de "fantasme" par le patron du Conseil Exécutif Corse, ce projet a été abandonné il y a 10 ans. Il ne devrait pas revoir le jour si on en croit l’opposition clairement affirmée de Gille Siméoni.
Notre département, en comparaison avec "l’île de Beauté", dispose de caractéristiques qui l’éloignent encore plus d’un tel projet.

Démographie : Avec 310 000 habitants, l’Aube est légèrement moins peuplée que la Corse (327 000 habitants). Mais surtout, l’évolution démographique de cette dernière est nettement plus positive que pour notre département. La Corse a ainsi gagné en 10 ans 25 000 habitants (3 fois plus que l’Aube).

Géographie : Inutile d’expliquer que la géographie de l’Aube est nettement plus favorable à d’autres solutions que celle de l’incinération. Le réseau de transport, la structure rurale et urbaine facilitent la mise en place de différents types de collectes sélectives. L’Aube ne connaissant pas les spécificités de l’insularité Corse, la possibilité de mutualiser les installations voisines (solution préconisée par l’ADEME) est ici possible.

Economie : Le tourisme de masse qui caractérise la Corse représente une source de production de déchets très importante et difficile à traiter. L’économie auboise, plus classique, n’a pas cette spécificité.

Production de déchets ménagers : Avec une population comparable, la Corse produit 300 000 tonnes de déchets ménagers quand nous en sommes à moins de 200 000 tonnes et que cette quantité baisse d’année en année.

De toute évidence, si les élus Corse, au regard des caractéristiques de leur territoire refusent encore aujourd’hui un projet d’incinérateur, on comprend mal comment l’Aube pourrait en accueillir un. Tous les indicateurs que nous pouvons analyser montre que notre territoire est encore plus éloigné de ce genre d’installation et surtout nettement plus favorable à la mise en place de programmes de réduction des déchets.
C’est sans doute cette leçon qu’il faut tirer de l’expérience Corse, et c’est cette leçon qui justifie un peu plus la position prise par les municipalités de La Chapelle Saint Luc, Sainte-Savine et Troyes contre le projet "Valaubia".

L’article de Corse Matin

Le 4 mai dernier, après plusieurs jours de blocus et des tonnes de poubelles entassées dans les rues de l’île, le centre d’enfouissement technique (CET) de Viggianellu rouvrait ses portes. La veille, lors d’une réunion fleuve menée aux côtés du président du Syvadec, François Tatti, le président du conseil exécutif s’était évertué à donner des garanties aux élus du Sartenais-Valincu.

Au mois de juillet, nous devrons présenter des avancées sur la généralisation du tri, l’implantation de deux usines de surtri et la proposition de sites alternatifs pour prendre le relais d’ici 2022", déclarait alors Gilles Simeoni. Qui réaffirmait aussi son opposition à l’incinérateur, "un fantasme qui nécessite cinq ans de procédure".
Une précision sans surprise, dans la droite ligne du Plan d’action pour la réduction et le traitement des déchets ménagers de Corse porté par la majorité territoriale et adopté par l’assemblée de Corse il y a près de deux ans. Mais une précision encore nécessaire en pleine crise des déchets, plus de vingt ans après le début des discussions sur l’incinération.

"Une industrie d’un autre temps"

Alors que la problématique des quelque 300 000 tonnes d’ordures ménagères produites chaque année sur l’île reste entière en l’absence de solution définitive, le traitement thermique enflamme, en effet, à nouveau les débats, comme il n’a cessé de le faire depuis l’élaboration du premier Plan d’élimination des déchets ménagers et assimilés (Piedma), en 1998.
À cette époque, le ministère de l’Environnement sollicite la rédaction d’un unique document régional, qui sera validé quatre ans plus tard. Le principe de la création d’un incinérateur est alors acté, mais seulement annoncé en juin 2006, déclenchant une véritable levée de boucliers portée par le Collectif contre l’incinération, devenu Zeru Frazu en 2015.
"Il était alors prévu de brûler 160 000 tonnes annuelles de déchets au centre de la Corse", s’étrangle encore Colette Castagnoli. Engagée dès la première heure dans la lutte contre l’incinérateur, la militante associative demeure plus que jamais mobilisée, convaincue de la nocivité sanitaire de ce procédé, mais également de "l’influence des lobbies industriels qui pèsent de tout leur poids pour parvenir à leurs fins."
Si l’abandon du projet de création d’une usine de traitement thermique a été obtenu il y a déjà dix ans sous la pression populaire, les écologistes n’en sont toujours pas rassurés pour autant.
Car, de la mandature d’Ange Santini, sous laquelle a été décidée la révision du Piedma, jusqu’à celle de Paul Giacobbi, ayant permis de relancer le dossier, peu d’avancées notables ont été obtenues selon les membres de Zeru Frazu. Qui poursuivent donc leur action au nom d’une "réduction maximale et d’une gestion saine des déchets, basée sur la collecte en porte-à-porte et séparée des biodéchets ainsi que sur une tarification incitative".
Fervents défenseurs du tri à la source prôné par la majorité nationaliste, les écologistes estiment ainsi que "l’enfouissement des déchets ultimes, réduits au maximum, est moins polluant que l’incinération, qui est une industrie d’un autre temps et qui table au contraire sur le plus de tonnage possible."
Tandis que Gilles Simeoni devrait s’exprimer publiquement sur le sujet la semaine prochaine, à l’issue d’une réunion programmée lundi avec les élus de la majorité, la question de l’incinération n’a décidément pas fini d’alimenter la polémique.

Laure Filippi, Corse-Matin, le 12 mai 2018